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« Jedwabne est le nom d'un village au nord-est de la Pologne où, le 10 juillet 1941, les habitants polonais ont sauvagement assassiné leurs voisins juifs. Après une journée de pogrome d'une cruauté inouïe, ils ont brûlé dans une grange des centaines d'hommes, femmes et enfants. La responsabilité de ce crime fut pendant longtemps imputée aux nazis. Le livre de Jan-T. Gross, Les Voisins a récemment remis en cause cette version officielle, provoquant un violent débat en Pologne.

Jusqu'ici je n'avais pas de lien particulier avec la Pologne, mon pays d'origine. Ayant passé la majeure partie de ma vie en France, je rejetais tout sentiment national ou communautaire et m'identifiais avec une culture sans frontières. Et puis j'ai lu le livre sur la tragédie de Jedwabne. J'étais totalement anéantie. Pendant des jours, je n'ai pu retenir mes larmes. Je me sentais particulièrement, personnellement concernée. Ce livre a fait brutalement resurgir le problème de mon identité polonaise dont je pensais avoir fait le tour. Malgré moi, je retrouvais une identité négative dans le sombre passé du pays où je suis née. L'installation est une réponse, à la fois personnelle et politique, à mon désarroi et au refus d'une partie des Polonais de reconnaître la vérité historique. Comment accepter cette part de mon identité si ce n'est en la questionnant ? Comment assumer ce passé si ce n'est en le mettant au grand jour ? Une confrontation avec soi-même est une confrontation avec l'histoire, mais aussi avec le présent et l'autre. À travers cette histoire tragique de haine ethnique, qui est celle de Jedwabne, nous sommes tous amenés à interroger nos histoires, personnelles et collectives, et nos rapports à autrui. Après Jedwabne est un miroir symbolique. Tendu vers chacun, quelle que soit sa religion, sa culture ou la couleur de sa peau, il interroge l'identité culturelle et nationale comme source d'intolérance envers l'autre et d'indulgence envers soi-même. Miroir tragique, il reflète la pérennité du mal et la difficulté pour les individus et les peuples d'avoir un rapport critique à leur histoire. »

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Zofia Lipecka

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