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   Lorsque j'ai commencé à peindre, au milieu des années 80, les deux termes de l'alternative moder­niste: expression et formalisme, me semblaient épuisés. Ce qui m'intéressait c'était le phénomène de l'image. Cependant je ne cherchais pas le réalisme (pop ou hyper) mais un langage originel, ancré dans l'enfance et la préhistoire - des signes simples tracés sur une surface monochrome. Je rejetais l'illusion picturale (remplacée par la photographie) et soulignais la distance entre le signe et le réfèrent, l'image et le réel. Ma peinture s'inscrivait dans la logique dualiste de la représentation, qui supposait d'une part, que l'on n'accorde aucune réalité à l'image, et d'autre part, que l'on puisse définir exactement ce qu'est la réa­lité.

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    Paradoxalement, cette conception de la peinture m'a permis d'aborder le problème de l'image dans la culture contemporaine, dominée par les média et la technologie (Boîtes Noires, galerie Starmach, Cracovie, 1994). J'ai pris conscience qu'aujourd'hui la représentation, basée sur des certitudes et l'oppo­sition nette entre l'image et l'objet, est minée par le simulacre. La photographie, le cinéma, la télévision produisent un mélange d'image et de réel. L'ordinateur permet de manipuler ces vraies-fausses images et crée une nouvelle dimension - le virtuel. N'arrivant plus à aborder ces problèmes en peinture je cherchais un autre moyen d'expression où le rapport image-objet serait plus ambigu. J'ai décidéd'utiliser les miroirs (Nature réfléchie, Muzeum Sztuki, Lodz, 1991). C'était d'abord une métaphore de l'illusion picturale. Comme le tableau, le miroir crée l'illusion d'un espace tridimensionnel. Mais à la différence du trompe-l'oeil, peint à la main, le reflet en miroir a un aspect mécanique et rappelle davantage l'image enregistrée par la caméra ou le scanner. En multipliant les reflets jusqu'au vertige, le jeu de miroirs évoque le simu­lacre médiatique, qui efface la frontière entre le vrai et le faux. En donnant un aperçu de l'infini - il devient une forme de virtuel.

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     Le mirage du jeu de miroirs donne le vertige. On y perd le sens de la réalité. Le même effet, à plus grande échelle, est produit par le cinéma, la télévision ou l'ordinateur, qui nous bombardent avec des images animées et sonores, et nous attirent dans le dédale infini de l'espace électronique. La déréalisa­tion de l'objet va de pair avec la déréalisation du sujet. Comment maintenir une distance par rapport au simulacre et au virtuel? Menacent-ils notre rapport au monde et notre identité? Le problème des effets des média, tant sur l'individu que sur la société, est devenu central dans mon travail. Les installations optiques que je crée entraînent une participation du spectateur. Elles perturbent l'hypnotisme des images et impo­sent une réception distancée. L'association dans les microespaces du jeu de miroirs avec la photogra­phie retouchée sur l'ordinateur est aussi une forme de prise de distance par rapport à ces média. Les images qui en résultent échappent aussi bien à l'objectivité photographique qu'à l'immatérialité des images de synthèse.

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Zofia Lipecka avril 1999

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